Article N°2

ETUDE CONTRASTIVE DES PROPRIETES DIFFERENTIELLES DE BECAUSE/SINCE EN ANGLAIS ET PARCE QUE/PUISQUE EN FRANÇAIS Par
Kouamé Kouakou Gérard
Université Félix Houphouët Boigny, Côte d’Ivoire
UFR des langues, Littératures et Civilisations
Département d’Anglais
Tel : 47376750
gerardkouame364@yahoo.fr





ABSTRACT
The purpose of this paper is to find out the systemic values of because/since in English and parceque/puisque in French by means of contrastive analysis. It shall first examine their categorization based on their semantic interpretations as reason, explanation, justification etc. as put forward by previous grammatical studies and dictionaries. This study shows that their categorization says very little on the structuring process and such semantic interpretations are not able to account for the underlying linguistic operations performed by each unit in both languages. Secondly, it shall prove that regarding them as synonyms contributes to making them much more opaque. Rather, we must view them as operators and metaoperators to be able to shed light on their systemic invariant values. Finally, it suggests clues to translators to help them choose the appropriate operator according to the context in order to stay faithful to the original text.

KEYWORDS:
set status, preset status, invariant value, causality

RESUME
Cette étude vise à mettre en exergue les valeurs en système de because/ since en Anglais et parce que/ puisque en Français à travers une analyse contrastive. Elle examine d’abord leur catégorisation basée sur leurs interprétations sémantiques telles que la cause, l’explication, la justification etc., mis en avant par des études grammaticales antérieures et les dictionnaires. Cette étude montre que cette catégorisation révèle très peu sur le processus de structuration et que les valeurs sémantiques ne peuvent pas expliquer les opérations linguistiques souterraines effectuées par chaque unité dans les deux langues. Ensuite, elle soutient que les considérer comme synonymes contribue plus à les opacifier qu’à les élucider. Il faut plutôt les considérer comme des opérateurs et métaopérateurs afin de faire la lumière sur leurs valeurs systémiques. Elle donne enfin quelques indications pour que les traducteurs puissent choisir l’opérateur qui convient en fonction du contexte d’emploi.

MOTS CLES: statut posé, statut repris, valeur invariante, causalité

INTRODUCTION
Malgré les travaux des linguistes contemporains tels que (Adamczewski 1982 et Jean Pierre Gabilan1992) qui ont particulièrement mis l’accent sur la valeur systémique des unités grammaticales, la grammaire scolaire continue de recourir au terme de synonyme pour expliquer le fonctionnement des unités telles que because / since en anglais et parce que /puisque en français. Cette étude vise à montrer que le concept même de synonymie est complètement contre productif et opaque et par conséquent que ces unités possèdent des valeurs différentielles systémiques. Les interprétations sémantiques telles que le motif, l’explication, la justification etc.,mises en exergue par les études antérieures ne permettent pas de faire la différence entre because et since en anglais dans la mésure où elles relèvent du domaine sémantique plutôt que grammatical. La différence est à chercher dans les opérations linguistiques sous-jacentes dont les unités en question constituent des traces visibles dans la chaîne linéaire. Cette contribution pose en outre le problème de la classification de ces unités dans la catégorie de la subordination en démontrant que cette catégorie relève plus de l’énoncé linaire que des opérations profondes de structuration. Cette étude part de l’hypothèse que chaque couple forme un microsystème et que leurs valeurs invariantes déterminent leur position paradigmatique systémique. Elle suggère enfin qu’une traduction fidèle de ces unités d’une langue à une autre doit tenir compte de leurs valeurs systémiques tout autant que leurs interprétations sémantiques.

1. Études lexicales et grammaticales antérieures


1.1 Étude lexicale de because /since et parce que/ puisque
Bien que l’importance des dictionnaires ne soit plus à démontrer lorsqu’il s’agit de fournir des valeurs sémantiques des unités lexicales, leur contribution à la compréhension du fonctionnement des opérateurs grammaticaux n’est pas, nous semble-t-il, tout à fait satisfaisant. Se fondant principalement sur les sens, les dictionnaires de synonymes, unilingues et bilingues (anglais /français)considèrent par exemple because et since comme équivalents. Par exemple, Oxford Advanced Learner’sDictionary (O.A.L.D) considèresince, because et as comme des unités capables de jouer le même rôle dans la phrase suivante:

1. We thought that, since we were in the area, we’d stop by and see them (O.A.L.D p.1371).
Si since peut être remplacé par because sans pour autant court-circuiter le sens, sommes-nous scientifiquement en mesure de les considérer comme égales sur le plan de la structuration ? Pourquoi la langue utiliserait deux voire trois éléments pour faire exactement le même travail ? Chaque élément n’a-t-il pas une valeur autre que sémantique qui l’oppose aux autres et qui justifie sa présence dans la langue ? Le même problème se pose exactement dans les mêmes termes avec parce que / puisque en français. Le Petit Robert (édition 2017) nous en donne la preuve. Il nous dit que la locution conjonctive parce que exprimant la cause équivaut à puisque. Ce qui voudrait dire que l’apprenant de la langue française peut utiliser parce que et puisque de façon interchangeable. Cette même philosophie sous-tend tous les dictionnaires. Si cela est vrai, pourquoi because / since en Anglais et parce que /puisque en français ne peuvent-ils pas être interchangés dans les énoncés suivants ?

2.‘‘Why is it meaningless to you ?’’ said I.
He said: ‘‘Because it implies that all work is suffering, and we are so far from thinking that (…) He said: ‘‘**Since it implies that all work is suffering….. (News FromNowhere p.262)

3. Et pourquoi est-ce pour vous dénué de sens? » dis-je.
Il répondit :« Parce que cela suppose que tout travail est souffrance,- et que nous sommes si loin de partager cette idée. « **Puisque cela suppose que tout travail est souffrance…… (News FromNowhere p. 263) Ici, on le voit bien, because ne peut pas être remplacé par et since. Puisque non plus ne peut prendre la place de parce que. Il est donc logique de soutenir que le fait de considérer ces unités grammaticales comme des synonymes et dire qu’elles peuvent jouer le même rôle sur la base de leur proximité sémantique, n’est pas tout à fait juste. Car elles ont différentes fonctions et différentes valeurs en système qu’il convient pour le linguiste de rechercher loin des préoccupations des lexicographes qui partent pour l’essentiel de l’unité au sens, sans passer par le prisme des opérations, comme l’indique le schéma ci-dessous : Mot………….. Sens (interprétations sémantiques)

1.2 -Études grammaticales et linguistiques


1.2.1-Because et sinceen anglais
Les études grammaticales mêmes les plus puissantes n’ont pu saisir la raison d’être des opérateurs because et since en Anglais. C’est le cas d’un livre de grammaire monumental qui a visiblement du mal se démarquer des autres de par ses analyses. Il s’agit du Comprehensive Grammar of the EnglishLanguage de Quirk et al. (1985) .Voici comment la différence est explicitée dans ce livre :

4. Vanessa is your favorite aunt, because your parents told me so.(‘Since your parents told me so, I can say Vanessa is your favorite aunt’.)


5. Since you seem to know them, why don’t you introduce me to them? (Since you seem to know them, I ask you to introduce me to them) Quirk (P1104)
De prime abord, l’auteur n’a fait que gloser la surface. Il pense qu’en remplaçant because par since dans l’explication justifierait le choix de because au détriment de since. Au fond, pour ces auteurs, l’opération linguistique que because effectue en sous-jacence est ‘‘I cansay’’ et ‘‘I ask you’’ pour since. En fait, ce sont des gloses qui ne peuvent en aucun cas remplacer les opérations grammaticales et encore moins dire pourquoi l’énonciateur choisi since au lieu de because. Cette présentation ne peut aider ni traducteur ni enseignant parce que la philosophie implicite de cette approche est bien de soutenir que because et since sont synonymes. Mais pourquoi since est utilisé pour expliquer because et jamais vice versa ? La réponse, nous le pensons, est que since est plus léger en termes de recharge sémantique que because. C’est parce que since permet à l’énonciateur de laisser son empreinte ou mieux des traces de son commentaire sur la relation (Adamczewski 1995). Sur ce point, la position de Serge Berland Delépine (2000 :477 ) n’est pas différente, car il signale que les « subordonnées exprimant la cause peuvent être introduites par because (parce que),since(puisque),seeing that (vu que)» en le démontrant par des énoncés sans expliquer la différence d’emploi. Voici ce que l’on trouve chez Delepine (2000) :

6. I didn’t write to them because I had lost their address


7. Since (seeing that) He hasn’t come, we can assume that he is not interested
Comment un opérateur peut-il valablement mettre au jour les opérations que cache un autre ? Dans l’énoncé (7), l’auteur ne rapproche pas because de since afin de saisir les raisons qui motivent le choix de l’un par rapport à l’autre par les énonciateurs dans la construction du discours. En plus, Delépine assume que seeing that peut mieux expliquer since. Nous voyons, dans ces présentations, que l’auteur n’a fait que recenser des unités de cause sans plus. Les études linguistiques, mêmes les plus pertinentes n’ont pu se départir des effets de sens de justification et d’explication pour poser le problème en termes de fonctionnement en système. C’est le cas de Déléchelle(1989) et même de John Searle (1972 :30) qui affirme : Si je veux expliquer un fait, par exemple que mon ami Pierre soit venu me voir, j’introduis à l’aide de parce que la proposition exprimant la cause de ce fait. Il est venu parce qu’il désirait me voir. Mais si je veux justifier une affirmation en alléguant une autre affirmation, incontestable selon moi, et qui consiste, me semble t’-il, une preuve de la première, j’utilise plutôt puisque. À ses yeux, parce que (because) sert de base à une explication. Par ailleurs, puisque (since) permet de justifier. On retrouve là les actes de langages élaborés par l’auteur parce que pour lui parler une langue consiste à accomplir des actes de langage comme affirmer, poser une question, donner un ordre ou promettre. Pour nous, « la grammaire d’une langue est l’ensemble des moyens mentaux dont nous disposons pour construire nos phrases, nos énoncés » (Adamczewski 1995:31). Cette grammaire précède l’extériorisation, la phrase achevée qui produit la promesse, l’explication ou la justification.

1.2.2 Parce que et puisque en français
La présentation des livres de grammaire en français ne diffère pas vraiment de celle des dictionnaires et des études descriptives. Celle de René Lagane (1995:30) dans Larousse Difficultés grammaticales indique que « l’expression de la cause peut se faire par des moyens très divers » et regroupe parce que et puisque avec d’autres unités sans mettre en évidence leur différence. Une distinction récurrente du point de vue de la linguistique est celle faite par le Groupe λ-l (1975) définissant parce que commeune ‘conjonction de contenu’ et puisque comme une ‘conjonction marquant un acte de parole’ tout comme car. Malgré leur mérite, les analyses antérieures ne peuvent nous aider à saisir l’opération linguistique qui sous-tend par exemple parce que et qui guide l’énonciateur-architecte dans le jugement qu’il veut porter sur la relation entre P et Q .

2. Because /since et parce que/ puisque comme opérateurs et métaopérateurs


2.1- Le couple because /since en anglais
La théorie linguistique qui sous-tend notre travail est celle de la Grammaire Métaopérationnelle ou du double clavier développée par Henri Adamczewski(1982) Delmas (1987), Gabilan (1992, 2006), Lapaire&Rotgé (1993) et Les Amis du Crelingua. Cette théorie d’analyse du discours considère la langue comme un système de microsystèmes dans lequel deux unités bien que similaires sémantiquement ne peuvent jamais être égales du point de vue des opérations mises en œuvre dans la construction du sens. En plus, ici les unités qui effectuent ces opérations sont perçues comme des opérateurs et des métaopérateurs définis respectivement par Delmas (1983: 85) de la façon suivante: « Opérateur dans la mesure où il n’est plus un simple mot mais un outil qui permet le travail de structuration du sens (cf. opérer, cheville ouvrière, etc.) et méta-opérateur dans la mesure où il permet non seulement de construire du sens, mais aussi de renseigner sur la structure en question ». (C’est nous qui soulignons) Ensuite, Delmas et al. (1993: 6) définit plus tard le concept de métaopérateur de façon plus précise comme suit : « Quand les mots parlent de la texture du linéaire, de l’agencement des autres mots, on dit qu’ils ont une fonction métalinguistique (naturelle). « Meta » veut dire « à côté », « après », il s’agit donc de mots qui se trouvent à côté d’autres mots pour mieux les commenter » Tout bien considéré, les opérateurs because /since en anglais et parce que / puisque en français relient deux propositions en vue d’effectuer dans un premier temps une opération de structuration sur elles et dans un second temps de renseigner ou commenter la relation nouée par les opérateurs. Ces énoncés ci-dessous nous permettrons de voir les opérations linguistiques et le type de commentaire que ces unités effectuent en Anglais. 8)In spite of tangible development gains-such as progress in gender equity in the classroom and reductions in maternal mortality-interventions targeting girls and women have not been sufficient to level the playing field. Why? Partlybecause/(**puisque) there has not been enough focus and finding, partly because/(**puisque) these initiatives have been siloed by failing to recognize the cross-cutting nature of the problem at hand. (Impact psi No 21 p12) Dans cet énoncé(8), because signale que le choix de l’énonciateur s’est fait dans un paradigme ouvert,c'est-à-dire que le segment [there has not been enough focus and finding] est choisi hic and nuncomme cause, explication ou justification de la question en [why] parmi plusieurs choix que l’énonciateur avait à sa disposition. D’ailleurs, because est l’élément le mieux indiqué pour répondre àwhy parce qu’il comble un déficit informationnelcomme Lapaire&Rotgé(1998 :609) l’ont si bien indiqué « WH (…) indique une situation de déficit, tout en manifestant le désir de combler ce dernier. Cela va de soi que l’énonciateur ait choisi encore because dans le but d’instancier [these initiatives have been siloed by failing to recognize the cross-cutting nature of the problem at hand].L’énonciateur fait une énumération des arguments qui peuvent entrer en congruence avec P. L’opérateur since ne sied pas tout simplement parce qu’il signale un choix déjà effectué, grammaticalement il signale un paradigme fermé, le choix de la proposition qui suit a été au préalable effectué. L’énonciateur fait un commentaire sur une première structuration déjà faite en sous-jacence. L’agrammaticalité de since relève de ce caractère acquis que nous énonçons. Dans ce cas, il est incongrue d’indiquer qu’il y a acquis de structuration alors que l’énonciateur manque justement d’information complémentaire comme l’atteste l’opérateur [why]. C’est bien cette valeur intime qui explique le choix de l’un et le rejet de l’autre car ils assurent la cohésion interne du discours. Qu’on en juge à travers cet énoncé illustratif ci-dessous. (Contexte: une prostituée explique comment elle est arrivée dans le ‘‘ métier’’)

9) She gave my grandmother some money and the old woman asked me to go with her. In fact, I was very happy because I wanted to leave the village to an ur¬ban area, so I would have the oppor¬tunity to engage myself in one trade or the other, since there was no one to support me.( https://www.naij.com consulté le 02/07/2016)

Dans cet énoncé(9), l’énonciateur entame une relation entre P [I wasvery happy] et Q [I wanted to leave the village to an ur¬ban area] dans laquelle elle pose paradigmatiquement Q, c’est-à dire que Q est introduit dans le discours ici et maintenant sans référence au contexte avant. L’énonciateur fait un choix dans un paradigme ouvert. Dans ce cas de figure, because est utilisé parce qu’il pose ou relie deux propositions [P et Q] pour « faire avancer » l’énumération des faits. Après cela, nous avons [so] qui tire une conclusion à partir du contexte avant. C’est tout naturellement que since a été choisi par l’énonciateur pour marquer que nous nous situons à un niveau ou on prend ce qui est déjà construit pour cible d’opérations métalinguistiques. Since Q [there was no one to support me] ne peut être compris qu’en faisant référence au contexte avant, car Q fait echo a[She gave my grandmother some money and the old woman asked me to go with her]. Avoir recours à because ici, même s’il produit les mêmes valeurs sémantiques que since, casserait la cohésion interne du discours.Jugez-en vous-même.

9’’)She gave my grandmother some money and the old woman asked me to go with her. In fact, I was very happy ??since I wanted to leave the village to an ur¬ban area, (…)??because therewas no one to support me. La permutation ne pose aucun problème de syntaxe, en plus la congruence est maintenue. Et pourtant plus d’un auditeur natif la trouve ‘‘bizarre’’ ou pas logique. Cela nous conforte dans l’idée qu’en commutant, nous commutons du coup les opérations souterraines invisibles que ces éléments ne font que représenter en surface, dans la chaine linéaire. L’impression de bizarrerie ou d’illogisme est due au fait que l’énonciateur reprend une relation avec l’opérateur since qui n’avait pas été au préalable posée. Because communique un statut posé et c’est justement cette structuration que l’énonciateur veut communiquer. Voyons ces deux énoncés portant sur l’immigration recueillis sur BBC.

> 10)Leave: Britain can never control immigration until it leaves the European Union, because freedom of movement gives other EU citizens an automatic right to live here.

11) Stay: Leaving will not solve the migration crisis but bring it to Britain’s doorstep because border controls from the Continent will move from Calais in France to Dover in UK. (Ben Riley-Smith20 June 2016 10:44am BBC) Dans l’énoncé (10), le journaliste qui énumère les arguments avancés par les partisans du ‘‘Leave/quitter’’ essaie de rester le plus fidèlement possible aux faits tels qu’ils se présentent. Il reste à l’écart des faits comme lui demandent les codes déontologiques de son travail. Dans l’énoncé (10) le temps des verbes renforce ce que nous disons. Le temps dit présent simple (leaves, gives, controls) permet au journaliste de décrire les faits tels qu’ils se présentent à lui ; contrairement au présent en BE +ING qui insinue une intervention flagrante de la part de l’énonciateur (Adamczewski :1982). Du fait de son orientation vers l’extralinguistique, because permet au journaliste de rester fidèle aux faits, de poser les faits l’un après l’autre et de les présenter de manière objective, comme l’a souligné Agnès Leroux(2009). Mais l’objectivité est un effet de sens dû au caractère inchoatif de la relation nouée par because, relation dans laquelle l’énonciateur privilégie la charge sémantique des propositions reliées plutôt qu’une intrusion de nature métalinguistique, de nature à commenter la relation à des fins discursives personnelles. Tout comme dans l’énoncé (11), le journaliste choisit because pour poser, ébaucher ou entamer la construction d’une relation de congruence entre [leaving will not solve the migration crisis but bring it to Britain’s door step] et la seconde proposition [border controls from the Continent will move from Calais in France to Dover in UK]. En choisissant because, l’énonciateur (ici le journaliste) oriente son écrit vers l’extralinguistique(les faits tel qu’ils se présentent sur le terrain). Le recours à since dans ce contexte donnerait une impression de subjectivité due à l’intrusion personnelle du journaliste donc d’un parti pris ou il chercherait à prouver les raisons du «départ» ou du «rester». La preuve situerait la relation, comme l’affirmait Delmas Claude (1983 :97) « sur un plan ou l’on ne présente plus, mais ou l’on justifie une validité ; ou l’on cherche à démontrer le BIEN fondé de son parti pris. Le parti pris, quant à lui, localise en PH2 ».Voici un énoncé illustratif de ce que nous avançons.

12)[…] The number of married or in-union women demanding contraceptives but not receiving them and so forth. Since our interest was on the incremental benefit in per capita income (above baseline)achieved by meeting unmet need, rather than absolute values of per capita income[…](Agnes Soucat and MthuliNcube, One billion people one billion opportunities) Pour montrer qu’il possède déjà les preuves de ce qu’il avance comme argumentaire, le journaliste choisit since qui, grammaticalement ferme le paradigme ;le choix étant déjà fait bien avant. L’expression (above baseline) constitue le justificatif du choix de since parce que le segment qui suit since doit nécessairement faire l’objet d’un clin d’œil linguistique(d’un partage de structuration) entre énonciateur et co-énonciateur. Comme pour dire que la raison d’être de l’énonciation de [our interest was on the incremental benefit in per capita income] est fondée sur une première structuration, d’où le concept de métaopération. La parenthèse permet à l’énonciateur d’être cohérent envers lui-même mais aussi et surtout d’assurer la cohésion interne de son message. Il avait choisi because qu’il serait inutile d’apporter des précisions en y adjoignant la parenthèse parce que because aurait introduit [our interest was on the incremental benefit in per capita income] dans le discours pour la première fois. Par conséquent, since non seulement assure la cohésion inter-énoncés, mais aussi communique un commentaire linguistique sur la relation qu’il noue ; il signale que la relation qu’il établit a déjà une « histoire linguistique ». D’où l’orientation opérationnelle de because et since que nous proposons. P Because Q P since Q Ces valeurs fondamentales infimes et intimes entre because/since en anglais peuvent contraster avec parce que/ puisque en Français.

2.2 Le couple parce que/ puisque en français
L’affinité qui existe entre why et because en anglais semble se répéter en Français avec les opérateurs pourquoi et parce que en termes de fonctionnement. Since ne peut répondre à une question en why.Puisque, de même, ne peut répondre à une question en pourquoi en français. Qu’est-ce que cela révèle ? Nous disons que because et parce que effectuent en sous-jacence la même opération de mise en discours qui, bien évidemment, consiste à poser Q qui lui fait suite. En conséquence, dans un énoncé tel que le suivant, puisque devient agrammatical lorsqu’il est substitué à parce que, même si les deux opérateurs peuvent produire la cause ou la justification comme valeurs sémantiques. En voici des preuves :
13)[« Quand j'étais enfant », « répondit Orr, je me promenais avec des pommes sauvages dans les joues ». « Pourquoi ? » Yossarian se sentit-il obligé de demander. « Parce que/**puisque c'est mieux que les marrons. » « Pourquoi est-ce que tu te promenais avec des pommes sauvages dans les joues, voilà ce que je te demande » « Parce qu'/**puisqu’elles ont une meilleure forme que les marrons. Je viens de te le dire. »] (traduction de Martine DE COLA-SEKALI 1991 :67) Dans l’énoncé(13), parce que apporte un ajout informationnel dont l’énonciateur n’est pas encore entré en possession. Parce que est le candidat approprié parce qu’il permet de faire un choix dans un paradigme ouvert au moment de la production de l’énoncé. Celui qui répondra à la question en [pourquoi] choisit la cause ou la justification qu’il juge cohérent à P pour le donner à son co-énonciateur (il n’a en aucune idée au préalable). La raison principale pour laquelle puisque ne peut pas être choisi est qu’il ne permet plus de faire de nouveaux choix. Il agit dans un paradigme fermé. Ce qui se traduit sémantiquement par un partage d’information entre protagonistes du discours. Par conséquent, [c'est mieux que les marrons] et [elles ont une meilleure forme que les marrons] ne peuvent en aucun cas donner lieu à une comptabilisation opérationnelle antérieure. Ils augmentent la connaissance de [Yossarian] c'est-à-dire qu’ils ajoutent quelque chose de nouveau que, bien évidemment, Yossarian ne savait pas auparavant. Voici un autre énoncé on ne peut plus illustratif de la valeur de parce que et puisque. 14.A. « Qui es-tu? »

A. « Pourquoi la reine veut- elle te tuer ? »

B. « Tu dois le savoir puisque tu me traques » (Blanche Neige, RTI (TV) 8.50 on Sat) Ici, il est question de la reine(dans le film) qui envoie A pour arrêter B. D’abord, pourquoi la question en pourquoi n’impose-t-elle pas le choix de parce que ? Pourquoi parce que serait inacceptable dans ce contexte ? (Tu dois le savoir **parce que tu me traques). En fait, B n’apporte pas la réponse à la question posée par A. [tu me traques] qui fait suite à puisque n’est pas la réponse, entendu comme une information visant à combler un vide informationnel de la question [Pourquoi la reine veut- elle te tuer ?]. B suppose que A possède déjà la raison pour laquelle la reine l’envoie vers lui. A possède en quelque sorte la réponse à sa question ; c’est justement ce que B tente de lui faire comprendre. De plus, parce que serait inacceptable tout simplement parce que là, B n’est pas en train de faire avancer la discussion en posant de nouvelles structurations l’une après l’autre. Il refuse de faire avancer la discussion en ne faisant pas de nouveaux choix d’argument dans le courant de la discussion. D’où le choix de puisque au détriment de parce que.

2. Résumé des valeurs invariantes différentielles de because/parce que et since/puisque
Les valeurs que nous venons de mettre en exergue sont des valeurs invariantes qui, malgré les valeurs sémantiques infinies dues aux contextes d’emploi, sont conservées. Because/parceque ont un statut posé alors que since/ puisque ont un statut repris, c’est-à-dire que le premier couple permet de poser les propositions l’une après l’autre, P est posée dans le discours ensuite Q sans plus et dans ce cas de figure la relation est nouvellement nouée. Par contre, pour le second couple la relation est ancienne, la proposition Q a déjà une histoire avec P alors l’énonciateur s’en sert à des fins discursives personnelles soit pour convaincre, créer une connivence soit pour faire adhérer son co-énonciateur à son discours dépourvu de toute objectivité. Et c’est bien cela que l’énonciateur cherche à véhiculer en montant de toute pièces la justification, le motif la cause ou l’explication. Les valeurs des deux couples se résument comme suit : BECAUSE /PARCE QUE= introduit hic et nunc une raison, une cause, une justification. Paradigme OUVERT Adamczewski (1999: 91) STATUT POSEGabilan (2006:345) SINCE/ PUISQUE= signale qu’une raison, cause ou justification est une évidence. Indiquent un STATUT AQUIS Paradigme FERME Adamczewski (1999: 91)Statut REPRISGabilan (2006:345) Ces valeurs énumérées sont des valeurs différentielles invariantes. Elles ne fluctuent pas à la faveur des contextes et des situations de communication. Bien qu’apparemment identiques, ces unités se distinguent les unes des autres par leurs valeurs en système. Analyser les unités de cause de cette manière nous semble plus utile aussi bien pour le traducteur que pour l’enseignant et l’apprenant. Par exemple, le traducteur et l’apprenant pourront choisir ce qui convient en fonction du contexte.

4. Quelles implications pour la traduction?
Le traducteur épris de fidélité doit faire l’exercice qui consiste à permuter les deux unités pour en mesure leur justesse d’emploi. Bien qu’on puisse se contenter de l’équivalent sémantique, les traductions les plus réussies sont celles qui respectent les nuances des choix dans la langue de départ comme dans la langue d’arrivée. Voici un exemple illustratif. 15)He had no learning, and no intelligence. his position had come to him-why? Perhaps because he was never ill…He had served three terms of three years out there…Because triumphant health in the general rout of constitutions is a kind of power in itself. (Heart of darkness p 100) 15’) Il n’avait pas de connaissances ni d’intelligence. Sa situation lui était échue-comment ? Peut-être parce qu’il n’était jamais malade …Il avait rempli là-bas trois contrats de trois ans…Car la santé éclatante, dans la déroute générale des organismes, est en soi une sorte de pouvoir. (Heart of darkness, p101) La traduction de because par car pose deux problèmes majeurs : celui de l’exactitude structurale et la question de la fidélité à l’idée originale que relate l’écrivain-énonciateur du texte anglais. Pourquoi le traducteur a-t-il choisi parce que et car ? Peut-être pour éviter la monotonie de la répétition. Mais because et car ne sont certainement ni égaux ni strictement équivalents (Kpli : 2016). Dans l’énoncé ci-dessus, la traduction a quelque peu dénaturé le texte original. On notera que [why] a été rendu par [comment], ce qui va indubitablement induire un changement dans le choix des opérateurs subséquents. Cette manière de traduire les opérateurs caractérise presque toutes les traductions faites dans les documents littéraires et non littéraires. Qu’on en juge à travers ces traductions. 16) We stopped again at Abingdon, which, like Wallingford, was in away both old and new to me, since it had been lifted out of its nineteenth-century degradation, and otherwise was as little altered as might be..(News from Nowhere 452)
16’’)Nous fîmes de nouveau halte à Abingdon qui, de même que Wallingford, m’était en un sens à la fois familier et nouveau, car cette ville avait été arrachée à la dégradation qu’elle avait connue au cours du XIXe siècle, mais à part cela était aussi peu changée que possible.(News fromNowhere.453)
17)I mean as to Dick and Clara;for I must tell you,since we are going to be such close friends,that even amongst us,there are so many beautifulwomen.(News from Nowhere P458)
17’)J’entends pour Dick et Clara; car je dois vous avouer, puisque nous allons être si bons amis, que même parmi nous, ou abondent les femmes ravissantes.(News fromNowhereP459
Dans l’énoncé(15) since a un statut repris, c’est-à-dire qu’il fait un commentaire de nature métalinguistique sur Q à savoir [ since it had been lifted out of its nineteenth-century degradation]. Since indique du ‘‘déjà repéré’’ ou du ‘‘déjà structuré’’. Cela sous-entend que le traducteur devrait en tenir compte dans le choix de l’opérateur en français, car la contrastivité devrait viser les opérations de constructions et non les valeurs sémantiques.
Pourtant le traducteur a choisi car. La question qui mérite d’être posée est la suivante : car structure-t-il du ‘‘déjà repéré’’ au même titre que since en anglais ? Même si nous ne pouvons pas nous prononcer sur la différence entre caret since en français, vu les opérations dévoilées sous la structuration de since, nous sommes en mesure de soutenir que l’opérateur qui peut fidèlement rendre la détermination telle que fait since est bel et bien puisque en français. Car, ce qui justifie le choix des opérateursce n’est pas la justification encore moins l’explication mais plutôt la communication de cette structuration c'est-à-dire le statut soit posé soit repris que l’énonciateur accorde aux propositions par l’entremise des opérateurs grammaticaux. Il faut noter que vu que la traduction de ces opérateurs n’est pas guidée par une théorie claire et unifiante, chaque traducteur fait des choix en se fondant naturellement sur son intuition et non sur un choix raisonné qui tient compte des opérations grammaticales souterraines et linguistiques. La maîtrise des valeurs systémiques différentielles mises au jour ci-dessus devraient permettre au traducteur d’opérer des choix en connaissance de cause et même de les justifier.

CONCLUSION
Au terme de cette étude qui est loin d’être achevée nous pouvons affirmer que le recours au sens n’est pas toujours la meilleure démarche pour saisir les propriétés différentielles entre because/since en anglais et parce que/ puisque en français. En Anglais, because et since effectuent un travail de structuration en reliant une séquence Q à une autre séquence P et en indiquant que Q est la suite logique de P. En français parce que et puisque effectuent le même travail de congruence entre deux propositions. La contrastivité au niveau des opérations de structuration nous a permis de voir que because et parce que introduisent Q comme une nouvelle information, c'est-à-dire que la séquence Q est posée ici et maintenant. Choisis dans un paradigme ouvert, ils servent à combler un manque d’information. C’est pourquoi ce sont les seuls qui sont à même de réponde à une question en pourquoi. Contrairement à since et puisque, ils indiquent que la séquence Q a un statut repris, c’est-à-dire que Q est déjà structurée ou repérée. La proposition Q est présentée comme un argument inattaquable parce qu’ils signalent que la séquence Q est insérée dans un paradigme fermé qui se traduit par une connaissance partagée entre énonciateurs sur le plan sémantique. Tout cela montre que même quand because et since expriment la même valeur sémantique de cause ou de justification, ce qui motive le choix de l’un au détriment de l’autre, c’est bien cette structuration au niveau des statuts que l’énonciateur veut communiquer. Muni de ces valeurs systémiques, le traducteur, l’enseignant ou l’apprenant peut mieux se tirer d’affaire s’il est confronté à des situations diverses.  

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